mardi 15 septembre 2020
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Par Caroline Scribe, le 14 septembre 2020 – Le Journal des Entreprises
Accompagner les sociétés en portefeuille, investir dans un environnement bouleversé par la crise, contribuer au renforcement des fonds propres des entreprises…, les fonds d’investissement sont sur tous les fronts. Jean-Luc Creach, directeur général d’Unexo, fonds d’investissement du groupe Crédit Agricole, livre sa vision du marché.
Quelles répercussions a eues la période du confinement sur l’activité d’Unexo ?
Jean-Luc Creach : Notre priorité a été d’accompagner les 112 entreprises que nous avons en portefeuille en leur apportant un maximum de conseil. Nous les avons aidées à monter les dossiers pour obtenir les prêts garantis par l’État (PGE), à rédiger leurs business plans, à négocier des reports d’échéances… Nous avons également organisé des webinaires thématiques sur les procédures collectives, le chômage partiel, les aspects RH ou encore sur des problématiques sectorielles, comme l’agroalimentaire, un secteur dans lequel nous sommes très présents. Nous avons, par exemple, des participations dans Norac, le groupe Galapagos, Henaff ou encore Les Coteaux Nantais. Au total, depuis notre création, nous avons investi dans 300 entreprises en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Normandie, dans les Deux-Sèvres et les Charentes. Nous investissons, toujours en minoritaire, en fonds propres, en fonds de dettes et en capital-risque dans des entreprises innovantes (Weenat, Robocath…).
Certaines des entreprises dans lesquelles vous avez investi ont-elles rencontré des difficultés ?
J-L C. : Oui, bien sûr. Cependant nous constatons assez peu de situations d’urgence et même une belle résilience de nos participations dans l’ensemble. En fait, grâce à la forte réaction de l’État qui a mis en place très rapidement des mesures de soutien, les entreprises sont à flot d’un point de vue de la trésorerie. Les points de vigilance portent sur les secteurs liés au tourisme, aux transports ou encore à l’aéronautique. La situation est également devenue très compliquée pour le commerce de détail physique, déjà fragilisé par les grèves, les manifestations… En revanche, nous sommes attentifs aux opportunités d’investissement dans des entreprises en lien avec la transition énergétique, secteur qui susciter encore plus d’intérêt.
Constatez-vous une baisse de la valorisation des entreprises liée à la crise ?
J-L C. : Nous avons mené à bien cinq opérations depuis le début de la crise (22 sur l’ensemble de l’année 2019). À la différence de la crise de 2008 qui avait provoqué une baisse d’environ 30 % de la valorisation des entreprises, nous n’assistons pas à ce phénomène pour l’instant de manière aussi massive. Il y a beaucoup de liquidités sur les marchés et les entreprises qui ont de la valeur ne se bradent pas. Celles qui ont de bons fondamentaux et auront fait la preuve de leur résilience pourraient même mieux se valoriser. Il n’y a pas aujourd’hui d’opportunités à bon prix. Et il n’y en aura pas tant que les entreprises seront sous perfusion financière. En revanche, lorsqu’il faudra commencer à rembourser les PGE, certaines d’entre elles rencontreront peut-être des difficultés qui les inciteront à vendre. À ce moment-là, on pourrait assister à un mouvement de fusions-acquisitions plus important. Mais la question ne se posera pas avant la fin du premier trimestre 2021.
Les entreprises risquent également d’être confrontées à une problématique de fonds propres ?
J-L C. : Oui, cette question se posera aux entreprises trop endettées. Toutefois, cette problématique a été prise à bras-le-corps par les services de Bercy et par la profession bancaire avec, notamment la mise en place programmée de prêts participatifs. Les PGE ont permis de répondre à l’urgence. Les prêts participatifs doivent permettre de financer le rebond des entreprises en leur redonnant des capacités d’investissement. Ces prêts sont des prêts de long terme, subordonnés et assimilés à des financements en quasi-fonds propres, sans conséquence sur le capital. C’est un avantage pour les ETI, PME et TPE, notamment familiales, qui peuvent ainsi renforcer leurs fonds propres sans dilution du capital et, donc, sans conséquence sur la gouvernance. Je pense que les entreprises vont devoir rechercher des solutions mixtes, associant des financements bancaires et en fonds propres, complétés par des financements de type « dette mezzanine » avec ouverture du capital.
Avez-vous déjà été sollicités par des entreprises pour renforcer leurs fonds propres ?
J-L C. : Non, nous n’avons pas encore été sollicités par le marché. Là encore, c’est trop tôt. Nous verrons cela au premier semestre 2021. Mais, je suis persuadé que des ressources massives seront mises à la disposition des entreprises pour assurer leur pérennité. Sous condition que leur projet soit viable, bien sûr, elles trouveront des financements via les réseaux bancaires et les investisseurs. Précision importante, cela ne concerne pas seulement les plus grandes entreprises, mais également les PME et ETI.